Andromaque 2004

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Spectacle subventionné par le Conseil Général de l’Essonne

et soutenu par ACTE 91

 

Interpréter seul une tragédie !

Est-ce un pari, une gageure, une folie ?

Tout simplement, une envie folle !

Folle comme le choix de faire notre métier d’artiste et d’aller au bout de ce qu’il nous offre !

Le désir de vivre et donner vie à ces quatre héros dérisoires et sublimes, partager leurs contradictions, leurs douleurs, leurs bonheurs fulgurants…

Avoir cet immense et orgueilleux privilège d’incarner seul les multiples facettes d’une même tragédie.

Qu’un seul corps, une seule bouche porte la danse des mots, les silences, le poids des corps…

 

Andromaque - Pyrrhus - Hermione – Oreste

Carré magique où chacun joue, dans une partie sans pardon, ce qui lui est le plus cher ; où chaque instant est tendu à l’extrême ; chaque dialogue verbal et émotionnel en porte à faux avec l’instant présent ; le bonheur toujours en retard d’un événement sur le malheur…

Double intérieur qui tente de réguler le flot des passions, les quatre confidents peuvent être perçus comme la voix de la conscience. Les dialogues héros-confident s’apparentent donc plus à une conversation entre les deux pôles d’un même être. Physiquement, il n’y a pas de réel dédoublement de l’acteur. A l’opposé, durant les dialogues entre héros, chacun a une claire identité physique et spatiale. A l’intérieur de chaque acte, l’œuvre se structurant par une alternance de scènes entre héros et scènes héros/confident ; cette différente de traitement ajoute un élément de rythme à la pièce, renforce les notions de quatuor, et d’isolement de chaque personnage à l’intérieur de lui-même.

 

Corps et Espace : ponctuation de l’acteur

Le corps absorbe et intègre les courants et contre-courants de la vie, puis les restaure dans son anatomie et sa gestuelle …

L’espace est champs d’investigation, chaque personnage s’y confronte différemment, l’investit ou le rejette… Il n’a pour limite que la perte du contact avec le spectateur.

Ici encore, la dimension visuelle et corporelle est présente comme un facteur naturel, un membre à part entière du métabolisme de la pièce, l’oxygène du texte ; jamais dominant, toujours sous-jacent.

 

Un violoncelle et son instrumentiste pour partenaires

Pour accompagner la double voix du poète et de l’acteur, le chant d’un violoncelle. Il est…

Respiration d’une scène à l’autre - Écho ou contrepoint du dialogue et de l’action - Prologue ou épilogue - Une présence…

 

Un banc en bois

Un banc d’église nu et sans dossier, austère, essentiel dans sa présence et son utilisation scénographique. Évocation de l’austérité janséniste, ferment racinien… et de l’essentiel de ces conflits de sentiments et d’orgueils…

 

Un Homme en smoking

Un homme en smoking noir assis sur un banc d’église… rencontre des pouvoirs temporels et spirituels… Les quatre protagonistes sont des princes, des êtres d’exception réunis dans un même moment exceptionnel ! Quelle tenue réunit mieux ses différents impératifs d’exception que le smoking ? Habit qui abolit les frontières du temps et des modes…

 

Incarnation ou Chant racinien ?

Les personnages sont incarnés sans pour autant être banalisés, afin que le spectateur puisse s’abandonner dans cette partie d’échec à 4, vivre ses ressorts,  ses enjeux et ses drames... ainsi que le souhaitait Racine, qui parlait pour la tragédie : « …d’une contemplation vivante… », et qui déclarait : « …plonger le spectateur dans cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie. ».

 

 

 

PRESSE

 

 

 

ANDROMAQUE à une Voix

…Vincent Barraud est comédien. Il croise aussi l’art du silence, à la Schola Cantorum et à l’école de mime de Marcel Marceau. Au théâtre de l’Opprimé, il dit les mots de Racine. Silencieusement seul. Comme il avait exprimé Meursault de l’Etranger. Dans ce même lieu, Camus et Racine, un anti-héros et une figure de l’honneur. Car à l’affiche actuellement : la tragédie ou un mime d’Andromaque. Pour qui sont ces serpents qui sifflent... les vers de Jean Racine sont contenus dans la mécanique du récit. Un clavier bien tempéré. Beaucoup. Belle performance. Les yeux, la voix de Vincent au prix des têtes. Mais l’invitation n’est pas très affable. Elle sonne comme une singulière dissonance. Reste cependant la belle émotion... exprimée dans le corps du texte : Vincent Barraud…

… Heureuse est la couleur du « paysage » : c’est une couleur un peu austère dans ces murs taillés de pierre, rue du Charolais. Au fond à droite, la voix du violoncelle inonde la voûte romane imaginaire. Elle est contrepoint et prolongement. Du corps en train de se dire ou entrant en scène. Une union de pierres rudes et de cordes à vif. L’instrument est présence et respiration. Puis il organise le discours, ponctue les actes, rythme les figures féminines, aussi…

…Reste le plus authentique. Le corps de Vincent Barraud. Sa vie. Comédien organique. Face au silence. C’est tout l’intérêt de cette adaptation, dans son désir d’infini : l’expérience des limites. Le corps dit. L’oreille du spectateur n’est pas habituée au corps intime, celui de l’autre. Un corps superbement ignoré au théâtre est ici autorisé. C’est assez gênant presque indigeste parfois : on entend. Craquer les articulations dans un monologue d’Oreste ou celui d’Hermione à l’acte V. En un mouvement agenouillé, en équilibre sur un banc... ou sur le sol. En posture. Puis une bouche. Qui exprime aussi l’être. Présent. Double du comédien : une sécheresse de la langue qui trace la mesure olympique. Mais Vincent Barraud metteur en scène a prévu. Il a invité une carafe. Posée là sur le lieu. Elle cadence les gestes. Et fort heureusement, les difficiles travers de la bouche sèche ; c’est bon de l’entendre avaler. Sa bouche est aussi traversée par de beaux accroche-cœurs : on entend « nœuds » pour les « liens immortels » d’Andromaque à son fils ; ou « époux » pour dire son « Hector ». Et puis « geôlier » dans la terrible modalité que Pyrrhus suppose à Andromaque : « il faut vous oublier »... l’art de la parole est sujet à l’indiscipline du corps. Les talons des pieds harcèlent le sol et les oreilles attentives au texte classique. Et dans un concert où le silence serait maître de cérémonie, les lumières s’éteignent à l’acte final et crépitent de leur bruit sec. Progressivement. Tel un décor à la mort de Pyrrhus…

Carole Niel (le webzine du spectacle vivant - revue spectacle.com)